« Plante-Homme, Animal-Homme » d’Alixe FU

Jacques Carrio 10/05/2004

Pour son travail pictural, Alixe Fu a essentiellement recours à deux médias: la peinture à l’huile et l’encre de Chine. Dans les deux cas, la technique, parfaitement maîtrisée, est au service de l’expression de la même préoccupation, à savoir, le rapport de l’individu au monde, par-delà l’apparence et de l’autre côté du miroir.
Il est peut-être intéressant de constater que l’utilisation de la peinture à l’huile, médium “classique” par excellence de l’art dit occidental, sert à transcrire les certitudes de l’artiste quant à la place de l’homme dans la nature d’une manière toute empreinte d’une approche asiatique des choses. (Plutôt qu’asiatique, peut-être serait-il préférable de parler de vision bouddhiste, prenant, toutefois, garde à donner à ce terme une valeur culturelle plus que religieuse, quand bien même l’un et l’autre sont intimement mêlés.) Alixe Fu peint ce qu’il voit, et ce qu’il voit n’est pas forcement du domaine du visible. Ses superpositions, décalages, détournements et revirements expriment les faces multiples de l’individu, ici et maintenant, en même temps qu’ailleurs et dans un espace temporel indéterminé. Sur la toile, ce sont l’enveloppe et l’intérieur qui sont donnés à voir : corps et esprit. La légèreté de la technique, souvent allusive, contraste avec la densité de la peinture en tant que matière.
A l’inverse, la technique traditionnelle de l’encre de Chine, à laquelle Alixe Fu est revenu ces dernières années – comme s’il avait bouclé son tour des méthodes de transcriptions occidentales pour retrouver un mode d’expression plus naturel, quasi inné – est utilisée en quelque sorte à contre-emploi. Alors que, normalement, elle suggère plus qu’elle n’affirme, cette technique, sous le pinceau de l’artiste, gagne en épaisseur et en intensité. Les couleurs mêmes claquent et cinglent, vermillon et noir, sur le silence des blancs.
La composition, elle aussi, est contraire aux règles de la peinture chinoise classique. Ainsi, si l’on se réfère aux paysages, par exemple, on observe un mouvement ascendant, l’aspiration vers le haut de la brume et des nuages, l’impression d’un ciel qui se dégage – symbolique possible de l’élévation de l’esprit.
En revanche, dans le travail d’Alixe Fu, ce sont les nuages, noirs et lourds, qui paraissent s’écraser sur le monde pour prendre forme humaine. Allégorie, aussi? Rappel, peut-être, du lien entre le matériel et le spirituel, le tangible et l’impalpable.
Malgré la dureté et la noirceur, les masses en transformation, après retrouvailles/épousailles avec la Terre mère, ne suggèrent pas le désespoir. A bien les regarder, il y a toujours un bras qui se lève, un cou qui se redresse, un regard qui s’élève. C’est peut-être en cela que ces oeuvres récentes rejoignent, s’inscrivent dans le même sens que celles qui les ont précédées. Lucide, Alixe Fu sait que l’humanité ne peut ignorer la réalité, visible et invisible, du monde. Optimiste sur le fond, il croit en une prise de conscience, en un éveil aux évidences.
Jacques Carrio
10/05/2004

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